L. Rollet u.a. (Hrsg.): Les uns et les autres…

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Titel
Les uns et les autres…. Biographies et prosopographies en histoire des sciences


Herausgeber
Rollet, Laurent; Philippe, Nabonnand
Erschienen
Nancy 2012: Editions universitaires de Lorraine
Anzahl Seiten
636 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Alix Heiniger

Délaissées par les historiens et les sciences sociales, la biographie et la prosopographie sont l’objet d’un regain d’intérêt. Même si on l’observe depuis les années 1980 notamment avec les travaux de Christophe Charle, la tendance s’est renforcée ces dernières années grâce aux thèses, séminaires et travaux qui investissent ces approches1. L’ouvrage publié sous la direction de Laurent Rollet et Philippe Nabonnand s’inscrit dans ce cadre.

Impossible de rendre compte exhaustivement des 24 contributions rassemblées dans ce livre, je me bornerai donc à en dresser les grandes lignes et à en identifier les apports. Le volume est divisé en trois sections et s’ouvre sur une introduction dans laquelle les deux auteurs plaident pour une pratique problématisée de la biographie et soulignent ses valeurs heuristiques, notamment pour rendre compte de la diversité des positions des acteurs.

Trois projets de recherche dans lesquels les auteurs sont impliqués sont à l’origine de leur démarche. Le premier est consacré aux enseignants de la Faculté des sciences de Nancy, le second aux acteurs réunis autour d’une revue intermédiaire de mathématiques et le troisième à la vie et l’oeuvre d’Henri Poincaré. Le livre quant à lui est issu de deux colloques tenus à Nancy en 2008 et 2009.

La démarche est celle de l’histoire des sciences même si les références mobilisées sont largement empruntées à l’histoire et à la sociologie. Les réflexions de Pierre Bourdieu sur «l’illusion biographique» servent de bases méthodologiques aux analyses des auteurs.

La première partie intitulée «Individus» rassemble neuf contributions dont sept sont consacrées à un acteur (un savant colonial, un mathématicien républicain, un agronome, un astronome, mais aucune femme…), les deux autres cherchent à identifier les liens et les influences entre individus et institutions, une auteure plaidant pour un usage de la biographie comme porte d’entrée dans un milieu ce qui permet «l’analyse des configurations d’acteurs» (Anne Bidois). Individus plus ou moins connus, leur histoire personnelle permet par exemple de réfléchir aux liens entre politique et monde savant (Claudine Fontanon), ou d’observer l’évolution d’un milieu formé autour d’une institution comme l’Académie des sciences (Caroline Erhardt). L’intérêt des textes est toutefois inégal, même si on sent derrière les injonctions méthodologiques un souci de bien faire et de rigueur. Chaque article offre une histoire de ces acteurs et éventuellement des institutions qu’ils peuplent. Cependant, le tout donne l’impression d’une collection de biographies, sans qu’elles soient forcément articulées les unes aux autres (méthodologiquement). C’est probablement dû au choix de renvoyer les contributions méthodologiques à une troisième partie. Certains textes ont le mérite de faire connaître des travaux de thèse poursuivis par leur auteur.

La deuxième partie rassemble sous le titre «Collectifs» sept contributions. Leurs auteurs livrent des études sur des groupes de personnes (enseignants de l’université de Toulouse, recteurs de l’académie, enseignants en mathématiques des écoles normales supérieures, chimistes, sociologues germanophones, anciens élèves de l’Institut de chimie de Paris, les diplômés en mathématiques allemands). Ces études permettent aussi d’élargir le particulier à un phénomène plus large, comme par exemple en analysant les recteurs pour observer le renouvèlement des élites (Jean-François Condette). La contribution de Caroline Barrera a le mérite de faire sortir le lecteur du milieu français dans lequel le livre le cantonnait jusquelà pour examiner la question des relations internationales des universités. Il est cependant regrettable qu’elle affirme «[…] la définition de la norme impose le recours méthodologique à une source identique pour tous: […]». Pour l’auteure, les dossiers en série constituent une porte d’entrée pour l’étude des enseignants. Mais elle insiste sur la nécessité d’accès à une série complète et homogène pour étudier une population, ce qui pose problème, car, s’il fallait toujours disposer d’une situation documentaire idéale sans lacune pour réaliser une prosopographie, beaucoup de travaux n’auraient jamais vu le jour. L’excursus hors de France amorcé se poursuit avec deux articles en anglais sur les diplômés en mathématiques allemands dans la première moitié du XXe siècle et les sociologues germanophones. L’auteure de ce dernier compare ceux qui s’exilent après 1933 et ceux qui restent en Allemagne, puis les Allemands exilés avec leurs homologues Autrichiens.

La troisième partie est la plus interdisciplinaire du volume en donnant la parole à des sociologues et à des historiens qui reviennent sur des considérations méthodologiques sur les approches biographiques ou prosopographiques. La plupart des auteurs ramènent l’enjeu d’une bonne recherche à la nécessaire problématisation de l’objet, au lieu de disqualifier une approche pour elle-même. Joseph Romano revient sur la relation entre la notion de récit et la discipline historique tout en identifiant un retour du premier dans la seconde depuis les années 1980. Jean-Luc Deshayes met en regard ses travaux sur les trajectoires scolaires des enfants de pères sidérurgistes dans le bassin de Longwy avec ceux de Pierre Bourdieu et Gérard Noiriel avec des acteurs issus du même terrain. Le dialogue initié permet à l’auteur de réfléchir aux conditions des entretiens biographiques et à leur intérêt pour l’étude des institutions scientifiques.

Emmanuelle Picard et Claire Lemercier poursuivent quant à elles leurs efforts pour discuter et identifier les «conditions de possibilité d’une prosopographie efficace». Car là non plus, il ne suffit pas de classer et de compter mais également de s’interroger sur pourquoi et comment cela doit être fait. Cet article est à mettre entre les mains de toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à la prosopographie. On l’aura compris, le livre offre des contributions stimulantes pour les études biographiques et prosopographiques, même si les articles dont il est fait sont inégaux. Néanmoins, associer biographies collectives et individuelles en terme d’approches constitue un projet ambitieux puisque des désaccords subsistent sur la signification de ces termes et la (les) démarche(s) qu’ils impliquent. Certains auteurs se sont donc attelés à les expliciter et à les discuter. Leurs contributions présentent ainsi un inventaire nécessairement non-exhaustif des débats entre sociologues et historiens (des sciences) autour des questions que posent la biographie et la prosopographie. Les contributions témoignent aussi du renouveau de ces méthodes annoncé en introduction.

1 Sans citer exhaustivement les activités et publications développées autour de la prosopographie, signalons ce blog: http://prosopographie.hypotheses.org.

Zitierweise:
Alix Heiniger: Rezension zu: Laurent Rollet, Philippe Nabonnand: Les uns et les autres… Biographies et prosopographies en histoire des sciences. Nancy, PUN, Editions universitaires de Lorraine, 2012. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 64 Nr. 1, 2014, S. 177-178.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 64 Nr. 1, 2014, S. 177-178.

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